En retard

Je file vers le pilier sud sans assurer le thermique du déco. Stephane et maître dominator sont tout en haut, au nuage. Ils entament déjà la transition vers le grand Veymont. Le monitor a du annoncer qu’il partait avec un plaf de 2300 moi je suis en bas au niveau des crêtes et je n’arrive pas à trouver à monter. Ils sont déjà aux gencives du grand Veymont, j’ai à peine réussi à faire 2000m … tant pis ça va jouer, j’entame ma transition. Je raccroche le Grand Brisou à moins de 300m/sol. Monitor-dominator s’inquiète des planeurs qui le croisent plein badin à quelques mètres seulement. J’ai réussi à prendre 100 mètres, je file sur le grand Veymont. Je néglige de faire le plein sous le cumulus qui commence à devenir plus foncés.

De toute façon, je suis certain que ça va monter au dessus de la ligne de crête et je suis en retard par rapport à mes compères. La crête du grand Veymont à la Moucherolle fait quinze kilomètres. Quand j’entame la transition, quittant le grand Veymont, j’aperçois Stéphane qui est à mi parcours. Un peu plus tard j’entre apercevrais dominator déjà à la Moucherolle. Je suis à fond de deuxième barreau. Les thermiques sont suffisamment puissant pour que le taux de chute du deuxième barreau ne soit pas pénalisant. De temps en temps, quand je rentre dans des trucs vraiment fort, je relâche un peu le deuxième barreau pour ne pas tout me prendre sur la tête.

A la radio Stéphane est dégouté-blasé. Il lui dit de filer vivre sa vie. Stéphane a fait tout le trajet au premier barreau et il s’est fait mettre minable par la mantra. Dominator lui affirme qu’il est seulement bras haut et le motive pour maintenir son effort. D’un coté ça me rassure, je comprends pourquoi j’ai du mal à les rattraper sur le deuxième barreau d’un autre je suis un peu comme stéphane : dépité par tout le retard que j’ai déjà accumulé. En plus la tension des poulies de la sellette se répercute dans mon dos douloureux. N’empêche je remercie maîtrator de maintenir un rythme soutenu : enfin je vole avec un bon lièvre qui me motive a avancer bien vite.

Enfin vite fumeEn fait, malgré ma position détrimmé _et_ mon deuxième barreau je ne suis qu’à une quarantaine de km/h sol. J’estime qu’on a un bon 15km/h de zef dans le pif … ça augure mal de la suite du cross.

Pour l’instant le but est de rattraper mes deux compagnons. Je ne fais le plein que dans les thermiques les plus puissants, je relâche le moins possible le deuxième barreau et malgré ça, je vole à une altitude très raisonnable de 2300-2500 mètres. Cela me permet de bénéficier d’un de ces instants privilégiés où le parapente s’affranchi du relief terre à terre des montagnes et où les trajectoires ne sont plus dictées que par les nuages. Je suis suffisamment serein pour ne pas me préoccuper du pilotage de l’aérologie et des entrées et sorties de thermiques. Mon esprit est en ébullition pour analyser ces nuages, trouver la meilleure trajectoire pour optimiser mon vol et rejoindre le peloton de tête. J’en profite quand même pour me remplir les yeux de ce paysage superbe et redevenu désertique après la saison de ski et avant la saison des rando familliales. Le Grand Veymont était le siège d’une horde de randonneurs, mais les reliefs après sont vierges et immaculés. La neige est encore bien présente et joue avec les cailloux pour rajouter encore au contraste des paysages. Cette partie du Vercors est très minérale. Il n’y a pas de pré en fond de vallée et en contrepartie il n’y a pas de village non plus. Uniquement la nature vierge et froide qui s’offre à ceux qui veulent la contempler. Elle contraste avec la « colline » du Serpaton qui semble bas et loin et qui verdoie d’autant plus par contraste de ce que je survole.

Jusqu’à présent les nuages étaient généreux sur leur coté ouest. Je volais donc au dessus de la dalle du Vercors. Au niveau du pas de la Moria, je commence à descendre assez fort. Je suis obligé de bifurquer vers les faces Est pour ne pas me faire enfermer sur cette dalle. Je saute sur la face Est dans une dépression. Au Serpaton, je ne vois personne en l’air. Personne ne nous rejoindra aux deux sœurs. Bon, sur ma face Est, je reprends un petit bout de thermique qui me remonte au niveau de la dalle. Du coup, je peux reprendre mon avancée. Un vrai deuxième thermique me remonte et me permets de reprendre ma tactique aux nuages.

Je me rapproche de la Grande moucherolle. Tout le triangle jusqu’aux deux sœurs est chapeauté par des cumulus foncés et visiblement actifs. Je me souviens de la dernière fois, j’ai négligé le plein à la Moucherolle et du coup j’ai ramé aux deux sœurs. Ce coup-ci je tente d’assurer la Moucherolle. Le plein n’est pas très généreux (moins de 2500m) mais je suis confiant … je zappe les deux sœurs, ça me permettra de refaire un petit peu de mon retard sur les deux zigotos. Je survole donc cote 2000 (comme son nom l’indique c’est un gros replat à 2000 mètres d’altitude) avec mes 2400 mètres d’altitude. J’ai un petit pincement au cœur : si j’ai été trop optimiste, adieu veaux, vaches, cochons… Mais non, je me rapproche du pas de l’œil en ne perdant plus rien voire en reprenant ma trajectoire aux nuages.

A cote 2000, j’avais annoncé ma position aux collègues. Je commence à avoir Stéphane bien en visuel. Il annonce être un peu avant le pic saint Michel. Dom lui redemande sa positon. J’en profite pour lui indiquer le nom du relief qu’il longe : c’est le (fameux) Cornafion. Stéphane se fait dégouliner derrière le Cornafion en face Est. Un peu plus loin, je vois Dominator lui aussi bien bas au pic Saint Michel. Ma trajectoire reste calée sur les nuages. Leur bord ouest reste généreux et me permet d’avancer plein pot sans rien perdre. J’évite donc ainsi le traditionnel point bas du pic saint michel. Trois petits tours pour me monter de 2200 à 2500 et je fais la jonction avec Stéphane. Enfin il n’est plus que quelques mètres devant moi… sauf que j’enroule comme une brêle.

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